Comme tous les ans au mois d’août, pendant les vacances, nous organisons une session de liturgie pour tous les jeunes et adultes qui animent la messe du dimanche. A chaque fois, c’est une centaine de jeunes garçons et filles et adultes qui participe à cette session.
Nous commençons par une explication des documents conciliaires sur la liturgie que nous adaptons à la culture malgache et à l’histoire d’Akamasoa. Nous sommes un peuple des décharges et de la rue sauvé par l’Amour de Dieu et notre eucharistie tous les dimanches est devenue un lieu d’expression de la joie, de l’espérance et un lieu de remerciement à Dieu pour tout ce qu’il a fait pour nous sauver.
A l’origine de notre travail avec les plus pauvres, les oubliés de notre ville d’Antanarivo, ce sont eux qui m’ont dit : « Prêtre, baptises nos enfants, nous voulons prier ». Je leur ai dit : « D’accord, votre prière de tous les jours sera votre travail, avec ces fruits de faire vivre dignement votre famille ; et le dimanche, jour du Seigneur, on se réunira tous ensemble pour remercier le Seigneur de nous avoir mis dans le chemin de l’espérance et nous allons exprimer par nos chants et nos danses cette joie de commencer une nouvelle vie ».
Cela dure maintenant depuis 27 ans. Nous avons commencé avec 50 personnes et aujourd’hui, souvent, dans notre nouveau lieu de prière nous sommes autour de 9000 personnes.
Sachant la responsabilité que nous avons le jour du dimanche d’animer cette grande foule pour qu’elle participe à la prière, aux chants, aux danses durant toute l’eucharistie, nous avons dû tous les ans créer de nouvelles attitudes, renouveler l’état d’esprit des nouvelles personnes, de mettre ces cœurs à l’unisson pour louer Dieu qui est Père de tous les humains.
Nous croyons au Christ mort ressuscité pour chaque être humain et surtout pour chaque pauvre et nous voulons que le Christ ressuscité puisse se sentir, voir toucher sa présence par ses milliers de frères qui se réunissent en son nom pour se donner de la force mutuellement et continuer ce dur combat contre l’extrême pauvreté et cette lutte pour la dignité humaine.
Pour nous, à Akamasoa, ce ne sont pas des souhaits, des phrases vides de sens. Nous voulons que notre communauté le dimanche se rassemble en une grande famille et que nous devenions un vrai peuple qui a des objectifs concrets, qui a un chemin à parcourir pour changer de vie et aller vers une vie plus humaine, plus fraternelle, plus juste et digne. N’oublions pas que nous avons accueilli des personnes de la rue et de la décharge où régnait l’anarchie totale, où entre eux il n’y avait rien en commun, où le plus fort dominait le plus faible, où l’homme dominait et exploitait la femme, où les enfants n’avait aucun droit. Sachant d’où nous sommes partis et où nous sommes arrivés après 27 ans, nous ne pouvons faire davantage que remercier Dieu.
Nous ne pouvons que le remercier pour son Esprit de l’Evangile qui nous a habité depuis le début et qu’aujourd’hui nous nous devons de continuer ce combat qui n’a pas de fin parce que de nouvelles menaces accablent nos enfants et nos jeunes comme : l’argent facile, la drogue, l’alcool, la prostitution, le chacun pour soi. Cette mentalité aux antipodes de la culture malgache, c’est aujourd’hui une réalité. C’est pour cela que tous les ans, avec les jeunes et les personnes engagées dans la liturgie, nous nous réunissons pour approfondir la parole et la vie de Dieu qui nous est donnée à travers l’eucharistie et les sacrements.
Nous devons aussi améliorer notre prière, notre rassemblement, pour que les personnes qui assistent à notre eucharistie ne soient pas des spectateurs mais qu’un enfant, un jeune, un adulte et même nos frères touristes, puissent participer à cette joie de recevoir la vie de Dieu durant ces 3 heures où nous écoutons et louons l’Amour de Dieu.
L’être humain est toujours menacé par l’usure et ses grands enthousiasmes tombent vite dans l’habitude et la banalité. C’est pour cela que nous nous réunissons ensemble pour réveiller en nous l’Esprit de Dieu qui est toujours nouveau et qui nous inspire de nouvelles idées, de nouveaux gestes et images que nous utilisons à chaque eucharistie et nous pouvons dire qu’à Akamasoa ce n’est pas une habitude. Nous ne savons pas nous répéter parce que si l’Esprit Saint a quelque chose de particulier, c’est qu’il est toujours nouveau.
Pour celui qui croit en cela, il lui est difficile d’accepter que certaines personnes dans notre église à travers le monde, veulent canaliser, voir mettre dans le moule le Saint-Esprit. C’est en fait une contradiction pour ceux qui ont un minimum de bon sens de vouloir enfermer l’Esprit, l’Amour et la miséricorde de Dieu dans un moule, dans la mentalité, dans la culture d’un pays déterminé et qu’il puisse avoir une valeur universelle, puisque l’Esprit-Saint dans tous les pays et à toutes époques continue à allumer de nouvelles espérances à travers les nouvelles générations.
Quand Dieu se manifeste dans chaque tribu, peuple et nation et dans toutes les choses positives de leur culture, à nous de rechercher ces points positifs de chaque culture. C’est pour cela, à Akamasoa, nous sommes à Madagascar et nous cherchons et essayons d’utiliser toutes les choses positives de la culture malagasy pour louer le Seigneur.
Par exemple, les danses malgaches qui sont si élégantes et leurs chants qui tout de suite se divisent en plusieurs voix et qui manifestent cette différence dans une belle harmonie, et aussi les gestes de lever de main. La participation spirituelle et corporelle est nécessaire durant l’eucharistie pour que notre esprit habite notre corps et ce corps doit exprimer extérieurement la joie et le bonheur ressentis intérieurement.
Nous sommes très heureux que le Pape Francois, depuis 3 ans, ne fasse qu’insister sur tous ces points et que lui-même ait dit qu’une prière sans joie ne reflète pas la véritable image du Dieu Amour.
Session liturgique 2016 Ã Akamasoa
Le thème de la session : « Je suis le pain de vie » (Jean 6-35).
Puisque la vraie liturgie n’est pas dans les nuages, dans le vide, mais qu’elle est ancrée dans la vie réelle ; nous avons commencé hier notre session liturgique en posant 4 questions aux 4 commissions dont la première était : Qu’est ce qu’on peut retirer ou prendre de la lettre des évêques malagasy que nous avons lue ce dimanche durant la messe et qu’elle est notre réaction de jeunes chrétiens dans ce cri des évêques ?
- 2ème question: Est-ce que l’eucharistie que nous célébrons tous les dimanches a quelque chose à voir avec la vie de tous les jours, avec la vie de ta famille et la vie de ton quartier ? Si oui, en quoi ?
- 3ème question: La foi en Jésus vivant que nous suivons depuis notre baptême, est-ce que cela se transmet dans ta vie ? Si oui, en quoi ?
- 4ème question: Donnes des suggestions. Comment pouvons-nous améliorer l’eucharistie du dimanche ? Dis les points positifs de notre liturgie et quels sont les points qui méritent d’être améliorés pour animer davantage le peuple de Dieu.
Réponses à la 1ère question :
Les évêques dénoncent la destruction des valeurs de la culture malgache. Ils dénoncent aussi la détérioration sociale du pays, le mélange, les politiciens se servent de la foi et de l’église dans leurs discours. Ceux qui ont le pouvoir se servent pour eux-mêmes.
Ils dénoncent fortement aussi la corruption et l’indifférence totale face à toutes les responsabilités de l’Etat où il devrait manifester sa force pour le bien commun. Les responsables de l’état profitent de leur situation politique pour s’enrichir personnellement. On vend les richesses du sous-sol du pays aux entreprises étrangères dans un flou total sans que le commun des citoyens en bénéficie pour élever son niveau de vie. L’état ne défend pas les églises, la liberté de croyance puisqu’il laisse les voleurs prendre les cloches et les biens d’église.
Ils constatent que le pays est malade, voire moribond.
Nos jeunes ont dit : « Devant ce message, nous devons prendre nos responsabilités de protéger le bien commun, être responsable dans tout ce que l’on fait, nous devons protéger notre environnement devant les entreprises qui cherchent uniquement le profit, nous devons devenir des prophètes dans notre propre pays et là où nous habitons ».
Réponses à la 2ème question :
Oui, l’eucharistie à une répercussion dans notre vie, dans notre quartier, dans notre travail. Pour commencer, nous voyons qu’il y a plus de respect, d’entraide, de fraternité dans les familles surtout entre les parents et leurs enfants. De même, dans nos lieux de travail.
Même si c’est difficile, nous faisons l’effort de faire vivre notre eucharistie dans notre vie de tous les jours. Surtout d’être responsable dans notre travail pour le faire bien parce que la prière pour nous est Vie. L’eucharistie nous apporte aussi la paix du cœur et la joie, la force, la joie pour faire le bien autour de nous et nous aide aussi à partager le peu que nous avons.
Réponses à la 3ème question :
Oui, parce que nous faisons l’effort de nous lever et d’être témoins de la vérité. Nous nous levons aussi pour être des prophètes qui dénoncent le mal et l’injustice. C’est la force de notre baptême au nom du Christ qui nous pousse à nous engager pour le bien de nos frères.
Mais nous avons aussi besoin d’entrer dans les organisations d’église, des mouvements chrétiens dans chaque paroisse pour ne pas rester seuls devant tant d’adversité.
Nous devons aussi être un exemple dans notre comportement personnel puisque beaucoup de nos aînés disent une chose et font le contraire. Nous devons aussi faire attention de ne pas nous marier trop jeunes. Nous devons aussi avoir un esprit de réconciliation. Oui, nous devons faire l’effort de devenir des prophètes parce que nous sommes aussi oins par notre baptême en tant que prêtres, prophètes et rois. Nous avons besoin, nous qui avons la foi, de nous encourager les uns les autres pour résister à toutes les tentations et persécutions à cause de la foi.
Réponses à la 4ème question :
Les points positifs : les gens viennent nombreux à notre eucharistie tous les dimanches. Ils participent, ils chantent mais nous devons aussi lutter contre l’habitude. Nous devons chercher de nouveaux chants qui aient du rythme, soient dynamiques et réveillent le peuple. Il y a encore des efforts à faire pour la lecture de la parole de Dieu et les prières universelles, besoin de davantage de préparation, des lectures plus claires et plus audibles. Nous devons mettre un peu plus de cœur dans les lectures et ne pas simplement lire pour que les personnes écoutent la parole de Dieu. Le peuple de Dieu doit aussi faire l’effort de répondre à toutes les paroles du prêtre car c’est un dialogue. S’il n’y a pas de réponse, cela ne crée pas une ambiance de prière. C’est comme si nous allons dans une fête et que tout le monde reste silencieux.
Nous devons aussi, les enfants de chœur, participer à l’eucharistie et entourer le prêtre autour de l’autel avec plus de participation. Durant la quête, il y a beaucoup de gens qui sortent et qui ne reviennent plus. Nous devons dire aux gens que la messe, elle est jusqu’à la bénédiction finale.
Il faut également  harmoniser nos chants avec les instruments de musique. Ceux qui jouent des instruments voudraient faire un prélude mais devant une foule immense, le prélude endort les gens. La psychologie est spéciale pour animer la prière d’une foule. Une foule ne supporte pas les temps morts et c’est la spontanéité de la prière qui doit primer. Un programme plein de sens doit primer et alors, personne ne trouve le temps long car il est bien occupé, il ne voit pas passer le temps. Nous avons des temps de silence mais avec une musique de fond qui fait prier, parce que tout le monde sait qu’elle est dédiée à la prière personnelle.
La participation du peuple de Dieu en répondant aux salutations du prêtre et quand tout le peuple chante et frappe des mains, on crée une ambiance de famille, de fraternité, qui nous empêche de dévier notre concentration vers autre chose.
Nous avons fini notre session liturgique en levant bien haut les deux mains puisque nous voulions demander au Christ sa force et son Esprit. Nous dirons à haute voix le Notre Père en pensant vraiment à toutes les paroles prononcées afin qu’elles fassent chair en nous, puis nous nous sommes donnés la main pour le chant de paix avant la communion qui a retentit avec beaucoup de force et de joie. Ensuite, j’ai donné la bénédiction à chaque participant afin que nous puissions continuer avec humilité, joie, amour et persévérance. Nous nous sommes tous salués les uns les autres dans la cour avant de repartir vers nos lieux de vie habituels pour être témoins et les prophètes de la bonne nouvelle. Amen.